La plus grande étude jamais réalisée sur les coraux de l'océan pacifique, Tara Pacific 2016 - 2018, co-dirigée par Denis Allemand (CSM) et Serge Planes (CNRS), vient de dévoiler ses premiers résultats scientifiques. Ils viennent de faire l’objet de 8 premières publications dans les prestigieuses revues du groupe Springer Nature. Parmi les nombreux résultats, attardons-nous sur deux publications.
Les récifs coralliens, abris de la plus grande diversité microbienne de la Terre
Les récifs coralliens, déjà connus pour leur richesse en faune marine (ils abritent 30% de toutes la faune marine connue à ce jour), abritent également la plus grande diversité microbienne de la Terre, selon les travaux publiés par Pierre Galand de l’Observatoire Océanologique de Banyuls-sur-Mer et ses collaborateurs de Tara Pacific. Rappelons que Tara Pacific a permis de recueillir 58000 échantillons comprenant de l’eau de mer, du plancton, des sédiments, des tissus de coraux… Par une analyse moléculaire de chacun de ces échantillons, les auteurs ont analysé spécifiquement les microbes (bactéries, virus, Archées) présents dans l’échantillon… Au total, 102 téraoctets de paires de base ADN, analysées via des approches de type métabarcodes - un "code-barre" biologique qui permet d’établir l’inventaire complet des espèces présentes dans l’environnement échantillonné. Les auteurs ont alors eu la surprise d’identifier un peu plus d’un demi-million de séquences d’origine bactérienne, une valeur étonnante puisqu’elle représente… 20% de la communauté bactérienne connue sur terre !! Ainsi la biodiversité des récifs va de pair avec sa biodiversité en terme de microbes. Cette riche population bactérienne pourrait aider les récifs à mieux résister aux vagues de chaleur, à la pollution, à la turbidité et à d'autres facteurs de stress, jouant ainsi le rôle d'assurance écologique. Certaines bactéries présentes sur les coraux sont bénéfiques, par exemple en fournissant de la vitamine B à leurs hôtes, et leur diversité suggère qu'au moins certains microbes utiles sont susceptibles de survivre à une agression environnementale particulière et de continuer à soutenir le corail. La partie du récif la plus riche est constituée par le plancton. Parmi les coraux, c'est le corail de feu (Millepora platyphylla) qui est le plus riche. Cette diversité ne semble pas liée avec la température de l’eau de mer.
Le secret de longévité chez les coraux ?
Les Cnidaires, dont font partie les coraux, sont connus pour leur exceptionnelle longévité, la plus élevée parmi les animaux. Les plus vieux coraux (des coraux profonds de type Antipathaires) ont plus de 4000 ans ! Certaines méduses frôlent même l’immortalité. Parmi ces premiers articles de Tara Pacific, celui d'Alice Rouan de l’Institut sur le Cancer et le vieillissement (IRCAN) à l’Université de la Côte d’Azur et de ses collègues, a étudié la relation entre les changements de température de l'eau et la longueur des télomères de l’ADN, un marqueur de santé et de vieillissement sensible à l’environnement. Les auteurs montrent que la forte longévité des coraux massifs est liée à une forte stabilité des extrémités télomériques de ces espèces. Les télomères des coraux dont la longévité est la plus grande semblent insensibles aux variations saisonnières de température alors que les coraux dont l'espèrance de vie est plus faible y sont très sensibles. Plus généralement, les variations de longueur de leurs télomères leur permettent d’ajuster leur équilibre nutritif et de répondre à un environnement changeant - face au nombre de fois qu’ils ont pu être exposés à des vagues de chaleur par exemple, car en effet la température influence la longueur des télomères. Cette influence varie selon les espèces. "Ces connaissances pourraient directement profiter à l'homme" précise le Prof Éric Gilson, directeur de l'IRCAN, qui a piloté cette étude.
Rappelons que l'expédition Tara Pacific, initiée par la Fondation Tara Océan et ses partenaires scientifiques internationaux, au premier plan desquels le CNRS, l’Université Paris Sciences et Lettres (PSL), le CEA et le Centre Scientifique de Monaco, est un projet multidisciplinaire dont le but est d'explorer la biodiversité de milliers de récifs coralliens dans l'océan Pacifique et d’étudier les relations entre les coraux et leur environnement. Plus de 100 scientifiques de 23 instituts de huit pays y ont contribué. Cette expédition a, entre autres, bénéficié du soutien financier de la Fondation Prince Albert II.
Publications :
Pour plus de renseignements, veuillez contacter :
Pr. Denis Allemand