Près de 5 ans après le retour de la goélette Tara à son port d’attache de Lorient, une première série de huit articles scientifiques de haut niveau paraissent aujourd’hui dans les revues du Groupe Springer Nature. Ces articles seront suivis dans les jours qui viennent de cinq autres articles, puis dans les mois à venir de nombreux autres.
Une moisson de résultats pour une expédition hors normes : Tara Pacific a été en effet une mission ambitieuse à tous les niveaux. Pilotée par Serge Planes (CNRS / PSL) et Denis Allemand (Centre Scientifique de Monaco), cette expédition renouvelait les grandes expéditions du XIXème siècle, en particulier celle de Charles Darwin sur le Beagle de 1831 à 1836, qui avait permis au grand naturaliste de développer non seulement sa théorie sur l’évolution, mais aussi une théorie, toujours valide, de la formation des récifs coralliens.
Tara Pacific est une expédition ambitieuse en effet par l’écosystème étudié, les récifs coralliens, écosystème iconique, à la fois le plus productif de la planète et le plus menacé puisque le GIEC prévoit sa leur disparition totale pour la fin du siècle si l'élévation des températures dépasse les 2°C. C’est aussi un écosystème qui contribue à la vie de plus de 500 millions de personnes.
Tara Pacific est une expédition ambitieuse également par l’aire géographique étudié, l’océan Pacifique, qui contient 60% des récifs coralliens mondiaux et dont le fameux Triangle du Corail (Indonésie, Philippines et Papouasie-Nouvelle-Guinée) héberge à lui seul 76% des coraux à zooxanthelles du monde, constituant un « Hot Spot » exceptionnel.
Tara Pacific est une expédition ambitieuse par la logistique mise en place par la Fondation Tara Océans, accompagnée par 23 institutions scientifiques, dont le CSM, issues de 8 pays différents totalisant plus de 70 scientifiques embarqués durant les 2 ans et demi qu’à duré l’expédition. C’est aussi 100 000 km parcourus, 32 récifs étudiés, 58 000 échantillons collectés, 12 190 photos prises…
Tara Pacific est une expédition ambitieuse par l’ampleur de l’échantillonnage jamais atteinte à ce jour : deux espèces de coraux constructeurs de récifs (Scléractiniaires) collectés à travers tout l’Océan Pacifique (Porites lobata et Pocillopora meandrina), un corail Hydrozoaire, le corail de feu (Millepora platyphylla), deux espèces de poissons, le poisson Chirurgien-bagnard (Acanthurus triostegus) et l'Idole des maures (Zanclus cornutus), mais aussi des échantillons d’eau de mer prélevés dans le lagon, autour du corail (afin d’étudier les échanges), en amont et en aval du récif afin de déterminer l'impact de ce dernier sur le fonctionnement de l'océan ouvert, les aérosols pour étudier les échanges océan / atmosphère, les tissus du corail, des carottes forées dans les squelettes de coraux durs afin d’étudier les conditions locales passées… Une moisson d'informations qui pourront être comparées les unes aux autres.
Tara Pacific est une expédition ambitieuse par l’utilisation, jamais réalisée à ce niveau, des données moléculaires, ou données « OMIQUES » : les acides nucléiques (ARN et ADN) extraits à partir des échantillons de coraux et de poissons, ont été séquencés par le GÉNOSCOPE (Centre National de Séquençage appartenant au CEA et situé sur la Génopole d’Évry), produisant une quantité de données équivalente au séquençage de plus de 50 000 génomes humains ! Ces données permettent 1) de caractériser la communauté d’organismes composant le corail (ce dernier en sa qualité d’holobionte est en effet composé non seulement de microalgues symbiotiques mais aussi de bactéries, de virus, d’Archées, de microeucaryotes non photosynthétiques…) et 2) d’étudier la relation entre le corail et son environnement et donc sa capacité d’adaptation aux changements anthropiques.
Tara Pacific est enfin une expédition ambitieuse enfin par la diversité des récifs coralliens étudiés, certains très isolés (Pitcairn, Samoa, Tuvalu, Kiribati, Wallis et Futuna…), d’autres au contraire proches de zones urbanisées, certains récifs en très bonne santé, d’autres souffrant de blanchissements, ce qui a permis de collecter un ensemble d’informations permettant de déterminer la capacité d’adaptation des coraux.
Pour sa part, les chercheurs du CSM ont été impliqués dans l’organisation et la direction générale de l’expédition (Prof Denis Allemand), de la gestion de certains thèmes de recherche (Dr Stéphanie Reynaud pour la Paléocéanographie, Dr Didier Zoccola pour la Biologie moléculaire). Plusieurs chercheurs et techniciens ont participé aux missions en mer sur le Tara ou ont été impliqués dans l’analyse de certaines données. Cette expédition a bénéficié d'un important soutien de la Fondation Prince Albert II.
Nous reviendrons dans les jours qui viennent sur les résultats publiés ce jour, difficiles à résumer ici.
Vidéo :
Interview du Prof. Denis Allemand - La Terre au Carré (France Inter)
Pour plus de renseignements, veuillez contacter :
Prof. Denis Allemand