Publication en Biologie Polaire - Équipe Observatoires du Vivant

La sélection positive sur le génome mitochondrial et son rôle dans la diversification des manchots papous en réponse à l'isolement de populations fragmentées.

L'identification des processus micro-évolutifs qui sous-tendent la diversification des espèces est essentielle pour comprendre la distribution actuelle de la diversité génétique et les réponses et potentialités adaptatives futures des espèces face au changement climatique. Si les populations ne disparaissent pas localement (extinction et/ou migration), la sélection naturelle devrait favoriser certains phénotypes et génotypes dans un environnement particulier, ce qui devrait entraîner des adaptations locales et, par conséquent, favoriser la divergence des populations et, à terme, la spéciation. 

Bien que l'ADN mitochondrial ait traditionnellement été utilisé comme un marqueur neutre en phylogéographie, il est apparu que des facteurs tels que le climat, la disponibilité de la nourriture et les pressions environnementales qui produisent des niveaux élevés de stress, peuvent exercer une forte influence sur les génomes mitochondriaux, au point de favoriser la persistance de certains génotypes afin de compenser les exigences métaboliques de l'environnement local. Dans un article publié en 2020, nous révélions qu’il existe 4 lignées hautement divergentes chez les manchots papous (Pygoscelis papua) dont la répartition s’étire à partir des régions antarctiques et subantarctiques. Les manchots papous représentent donc un modèle animal idéal pour étudier les processus adaptatifs dans des environnements divergents.

Sur la base de 62 mitogénomes que nous avons obtenus de neuf localités couvrant les quatre lignées de manchots papous, nous avons identifié des substitutions nucléotidiques spécifiques aux lignées pour divers gènes, mais seulement des remplacements d'acides aminés spécifiques aux lignées pour les gènes codant pour les protéines ND1 et ND5. La sélection purifiante (dN/dS < 1) est la principale force motrice des gènes codant pour les protéines qui façonnent la diversité des mitogénomes chez les manchots papous. La sélection positive (dN/dS > 1) était surtout présente dans les codons du Complexe I (gènes NADH), soutenue par deux méthodes différentes basées sur les codons au niveau des ND1 et ND4 dans les lignées les plus divergentes : le manchot papou oriental des îles Crozet et Marion et le manchot papou austral de l'Antarctique, respectivement.

Nous montrons aussi que le ND5 et l'ATP6
(autre gène mitochondrial qui code, lui, pour une sous-unité de l'enzyme ATP synthase ou Complexe V) étaient sous sélection dans les branches de la phylogénie impliquant tous les manchots papous sauf la lignée orientale. Notre étude suggère que l'adaptation locale des manchots papous est apparue comme une réponse à la variabilité environnementale favorisant la fixation des haplotypes mitochondriaux d'une manière non aléatoire. L'adaptation du mitogénome est donc susceptible d'avoir été associée à la diversification des manchots papous dans l'océan Austral et d'avoir favorisé leur survie dans des environnements extrêmes comme l'Antarctique. De tels processus sélectifs sur le génome mitochondrial peuvent également être responsables de la discordance détectée entre les phylogénies des lignées de manchots papous basées sur le nucléaire (issues de notre précédent article) et le mitochondrial.

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Dr. Céline Le Bohec