Le « shift » métabolique vers la phosphorylation oxydative perturbe la résistance intrinsèque à la ferroptose des cellules d'adénocarcinome du côlon
Dans le numéro de décembre du Journal Antioxidants, nous avons publié nos récentes découvertes concernant l'implication du métabolisme bioénergétique dans la résistance à la mort cellulaire induite par le fer, appelée ferroptose. L'objectif de l'étude, qui fait partie du projet de thèse de doctorat de Mme Célia Gotorbe, était de comprendre le fondement moléculaire des cellules cancéreuses qui montrent une plus grande résistance à l'induction de la ferroptose, comme dans l'adénocarcinome du côlon.
Cibler l'axe anti-ferroptotique canonique, transporteur de cystine (xCT)-glutathion (GSH)-glutathion peroxydase 4 (GPx4), est toujours considéré comme le moyen le plus puissant d'induction de la ferroptose dans le cancer. Néanmoins, dans nos études précédentes, nous avons montré que l'efficacité du ciblage du transporteur xCT doit être atteinte de manière systémique et totale in vivo pour éviter le développement de mécanismes de résistance dans les cellules cancéreuses (Actualité du 13/07/2021), tandis que le ciblage du GSH ou de sa biosynthèse n'est pas nécessaire du fait qu’il n’est pas toujours couplé à l'induction de la ferroptose, probablement en raison de sa dispensabilité en tant que donneur d'électrons (Actualité du 19/09/2022).
Dans la présente étude, nous avons montré que l'inhibition de GPx4 dans l'adénocarcinome du côlon peut également être compensée par l'activité d'un autre système d'élimination des peroxydes lipidiques, composé de l'ubiquinol (plus communément appelé coenzyme Q10 ou CoQ) et de son enzyme régénérante « ferroptosis supressor protein 1 » (FSP1). Cette découverte n'est qu'une confirmation supplémentaire de la dispensabilité du système GPx4, qui avait été proposé en 2019 par les groupes des Drs. Dixon et Conrad. Cependant, bien que nous ayons montré qu'en effet l'inhibition pharmacologique et simultanée de GPx4 et FSP1 conduit inévitablement à la ferroptose, les données obtenues avec des cellules génétiquement délétées de FSP1 ont révélé de manière surprenante l'adaptation de ces cellules à l'inhibition de GPx4. Notre analyse plus approfondie a révélé que le principal mécanisme adaptatif qui confère une résistance à la ferroptose dans ce cas est le métabolisme énergétique, ou plus précisément le passage du métabolisme oxydatif au métabolisme glycolytique (nous avons récemment passé en revue la littérature concernant l'importance du métabolisme glycolytique pour le cancer et au-delà - Actualité du 26/09/2022).
En conclusion, notre étude a montré que lorsqu'il s'agit de cellules hautement résistantes à la ferroptose, il est nécessaire de garder à l'esprit le contexte cellulaire et la plasticité phénotypique spécifique à type de cancer. Dans le cas de l'adénocarcinome du côlon, il semble que l'inhibition des axes GSH-GPX4 et CoQ-FSP1 doit être couplée à d'autres modulateurs métaboliques, comme les inhibiteurs de la glycolyse/effet Warburg.
Publication :
Gotorbe C, Durivault J, Meira W, Cassim S , Ždralevic ́ M , Pouysségur J, Vucetic ́ M. Metabolic Rewiring toward Oxidative Phosphorylation Disrupts Intrinsic Resistance to Ferroptosis of the Colon Adenocarcinoma Cells. Antioxidants, 2022, 11, 2412. https://doi.org/10.3390
Pour plus de renseignements, veuillez contacter :
Dr. Milica Vucetic
Dr. Jacques Pouysségur