Publication en Biologie Marine - Section d'Économie Environnementale

Figure 1 : Combler le fossé des émissions. Panneau de gauche : Calcul de l'écart d'émissions cumulées en utilisant les données et les scénarios du dernier rapport sur l'écart d'émissions du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE, 2023). Ces calculs montrent que, dans le meilleur des cas (contributions conditionnelles déterminées au niveau national et tous les engagements nets zéro), il y aura probablement des centaines de gigatonnes d'équivalents CO2 (Gt CO2e) en trop dans l'atmosphère en 2050 par rapport aux scénarios 1,5°C ou 2°C les moins coûteux ; dans le pire des cas (engagements actuels uniquement), il y aura jusqu'à 1 000 Gt CO2e pour le scénario 1,5°C. Ainsi, il n'existe actuellement aucune voie réaliste pour limiter le réchauffement à 1,5°C ou même à 2°C sans une action politique supplémentaire significative en termes de réduction des émissions ou d'application substantielle de l'élimination du dioxyde de carbone (CDR ; PNUE, 2023). Nous pouvons nous attendre à ce que l'écart cumulatif des émissions soit de l'ordre de 1 000 à 3 000 Gt CO2e d'ici la fin du siècle dans le cadre des engagements politiques actuels (Anderson et Peters, 2016 ; Lawrence et al., 2018 ; Bellamy et Geden, 2019 ; NASEM, 2019). Il convient de noter qu'un écart d'émissions nul n'est pas la même chose que l'absence nette d'émissions - l'écart d'émissions correspond aux émissions excédentaires par rapport à une trajectoire de réduction des émissions à moindre coût permettant de maintenir le réchauffement dans certaines limites ; autrement dit, un écart d'émissions nul équivaut à une trajectoire permettant de limiter le réchauffement dans les limites de l'objectif fixé en suivant les trajectoires les moins coûteuses (PNUE, 2023). Panneau de droite : La réduction de l'écart d'émissions comporte deux volets : (1) nous devons tout d'abord procéder à de nouvelles réductions des émissions (flèche en pointillé dans la barre brune), et (2) le REC doit être utilisé en dernier recours (flèche en pointillé dans la barre verte) pour contrer tout excès de carbone restant (barre brune sans flèche). © Johnson et al., 2024. Figure 2 : Taux de croissance et capacité de départ en 2030 : déterminants clés du temps nécessaire pour atteindre les capacités de séquestration. Les auteurs ont calculé les trajectoires de séquestration cumulées (panneau de gauche) pour une technique hypothétique d'élimination du dioxyde de carbone (CDR) ou un ensemble de techniques pour un taux de séquestration total arbitraire de 50 Gt CO2e à atteindre pour une année cible de 2060, 2080 ou 2100 avec des taux de croissance annuels de 8 % (modéré), 11 % (réaliste mais rapide) et 19 % (« sur le pied de guerre ») ; voir le texte S5 pour plus de détails. La capacité de départ en 2030 nécessaire pour atteindre l'échelle de temps de séquestration ciblée est indiquée dans le panneau de droite. Cette analyse montre que des taux de séquestration de l'ordre de dizaines de Mt CO2e par an sont nécessaires d'ici à 2030 pour avoir une chance réaliste d'obtenir un impact significatif d'ici à 2080. Par exemple, étant donné que la bioénergie avec piégeage et stockage du carbone a actuellement une capacité opérationnelle expérimentale d'environ 1,5 Mt de CO2 par an (Consoli, 2019), une augmentation rapide (10 à 100 fois) de la CDR sera nécessaire d'ici la fin de la décennie pour apporter une contribution significative à l'écart d'émissions avant 2080. © Johnson et al., 2024. Figure 3 : Évaluation de l'atténuation cumulative potentielle du carbone pour une série de mesures d'atténuation côtières ou marines. Sur la base des valeurs bibliographiques pour les taux de perte actuels et les taux de séquestration potentiels (détaillés dans les textes S2-S4) et des scénarios de croissance (texte S5), les auteurs ont calculé l'impact cumulatif potentiel sur le carbone des actions d'élimination du dioxyde de carbone marin et du carbone bleu côtier (codées par couleur) considérées. Les bénéfices du carbone bleu côtier sont présentés pour le scénario « arrêt de la perte » et le scénario supplémentaire « restauration » (texte principal, méthode) avec les quatre habitats (marais salants, mangroves, herbiers marins et macroalgues sauvages) rassemblés pour plus de simplicité. Le panneau de gauche montre la capacité potentielle de stockage du carbone en prenant des estimations minimales des taux de séquestration, et le panneau de droite montre l'estimation maximale de la capacité potentielle de stockage (détails dans les textes S2-S4). Il convient de noter que, dans les deux cas, les valeurs présentées correspondent à l'impact « potentiel » sur le carbone, c'est-à-dire que les projections ne tiennent pas compte des limites technologiques ou des effets négatifs sur le système marin qui pourraient rendre certaines techniques non viables. Dans les deux panneaux, les moustaches rouges indiquent l'ampleur probable de l'écart des émissions cumulées en 2030 et 2050, sur la base des données du PNUE (2023 ; voir figure 1). DOC indique le carbone organique dissous. © Johnson et al., 2024. Figure 4 : Cycle de gouvernance facilitant un développement sûr et acceptable de l'élimination du dioxyde de carbone marin (mCDR) au cours de ce siècle. MRV signifie "Surveillance, rapport et vérification". © Johnson et al., 2024.
Le 14 août, un "Policy Bridge" d’une importance capitale a été publié, co-rédigé par le Dr Nathalie Hilmi et le Pr Denis Allemand du Centre Scientifique de Monaco, en collaboration avec une dizaine d'auteurs internationaux.

Ce Policy Bridge aborde des questions cruciales concernant la sécurité, l'efficacité, le financement et la gouvernance des systèmes côtiers et marins, et leur rôle potentiel dans la réduction des émissions excessives de dioxyde de carbone. Les auteurs y apportent de nouvelles perspectives sur l’importance de ces systèmes pour l'atténuation du changement climatique, avec un accent particulier sur les actions et solutions basées sur le « carbone bleu » côtier et l'élimination du dioxyde de carbone marin (mCDR). Leurs analyses indiquent que ces actions pourraient jouer un rôle déterminant dans la lutte contre le réchauffement climatique au XXI
ème siècle, en particulier après 2050.

Cet article insiste sur l’urgence de développer des cadres de gouvernance solides et adaptés pour permettre une évaluation rigoureuse et une mise en œuvre sécurisée de la contribution potentielle de ces systèmes côtiers et océaniques à l'atténuation climatique.

Il est également précisé que la recherche continue et la surveillance sont indispensables pour identifier les effets secondaires imprévus et pour permettre l’adoption de mesures correctives. La co-création de ces cadres de gouvernance, impliquant étroitement le monde universitaire, le secteur privé et les décideurs politiques, sera essentielle pour garantir la mise en œuvre sécurisée des solutions mCDR à l’avenir.

Les auteurs soulignent par ailleurs l’impératif d’accélérer de manière significative le développement de la gouvernance des mCDR, afin qu'elle puisse jouer un rôle clé dans la réduction des émissions de carbone d'ici la seconde moitié du XXI
ème siècle.

En outre, le Policy Bridge rappelle que la décision de poursuivre à grande échelle les interventions climatiques incombe aux décideurs politiques et à la société dans son ensemble. Cependant, il est impératif d’établir en urgence des cadres juridiques, économiques, politiques et de recherche adaptés pour éclairer cette prise de décision et accompagner la mise en œuvre des mCDR au cours des prochaines décennies.

Enfin, il est également souligné que les systèmes côtiers et marins ne pourront contribuer de manière significative à la réduction du dioxyde de carbone que lorsque des connaissances plus approfondies sur les options de gestion auront été acquises et évaluées. 

Publication :

Johnson M., van Doorn E., Hilmi N., Marandino C., McDonald N., Thomas H., Allemand D., Delvasto Algarin L., Lebleu L., Ho D.T., Oloyede M., Safa A., Swarzenski P. Can coastal and marine carbon dioxide removal help to close the emissions gap? Scientific, legal, economic, and governance considerations. Elementa: Science of the Anthropocene (2024) 12 (1): 00071

 

Pour plus de renseignements, veuillez contacter :
Dr Nathalie Hilmi
Pr Denis Allemand