Les canicules marines sont caractérisées par des épisodes de chaleur intense, entraînant une augmentation anormale et prolongée de la température de l’eau de mer. Elles ont augmenté en intensité et fréquence sur les dernières décennies, conduisant à des épidémies et des évènements de mortalité massive des espèces marines. Le corail rouge Corallium rubrum, une espèce d’Octocoralliaire endémique de Méditerranée, est à la fois menacé par les effets dévastateurs des canicules marines et par la surpêche. Toutefois, il représente une espèce clef dans la construction des récifs coralligènes, les ‘hotspots’ méditerranéens de biodiversité, qui concentrent 15% des espèces de Méditerranée. Ainsi, la diminution des populations de corail rouge impacte directement l’équilibre et le bon fonctionnement de ces écosystèmes méditerranéens.
Les populations de corail rouge ont drastiquement diminué en zone de surface (<30 m) où les températures caniculaires (jusqu’à 27 °C) sont délétères pour la survie du corail. La zone plus profonde, dite zone mésophotique, est actuellement une zone refuge pour le corail rouge, qui reste relativement protégé des températures caniculaires. En effet, la zone mésophotique se caractérise par des températures annuelles relativement froides (15 °C) qui augmentent modérément (18 °C) lors des périodes de canicule. Toutefois, les projections climatiques prévoient un maintien voire une accélération du changement climatique, entraînant une hausse des températures en zone profonde méditerranéenne.
Basée sur ces prévisions climatiques, notre présente investigation s’est attachée à étudier l’impact du réchauffement de la zone mésophotique sur des colonies de corail rouge vivant à 60 m de profondeur. Différents échantillons de corail rouge ont été soumis à des conditions thermiques actuellement rencontrées en zone mésophotique lors des épisodes caniculaires (18 °C), mais également à des températures plus élevées (21 °C), qui pourraient être observées à la fin du siècle selon les projections climatiques de température.
Les résultats montrent que le corail rouge mésophotique est résistant à la fois aux températures qu’il rencontre actuellement lors des épisodes caniculaires mais également aux températures plus élevées qui pourraient être observées à cette profondeur à la fin du siècle si le réchauffement climatique poursuit son accélération. En effet, à la fois l’absence de changement physiologique chez l’animal, mais également l’absence de changement dans son microbiote, témoignent de la tolérance du corail rouge mésophotique à des températures anormalement élevées. Le microbiote est constitué de microorganismes spécifiques, incluant notamment des espèces de bactéries et de champignons, qui sont en étroite association avec les coraux. Pour comprendre la réponse du corail à des changements environnementaux, l’étude de son microbiote est essentielle puisqu’il joue un rôle primordial dans le fonctionnement et la santé du corail. Nos résultats ont également identifié une température seuil (24 °C) pour laquelle des changements importants dans le microbiote ainsi que des changements physiologiques et de la mortalité ont été observés chez le corail rouge mésophotique.
En résumé, notre investigation suggère que la zone mésophotique pourrait rester un refuge pour le précieux corail rouge de Méditerranée pour encore plusieurs décennies. En effet, le corail rouge mésophotique résisterait aux températures qui pourraient potentiellement être observées à la fin du siècle en zone profonde (21 °C) selon les projections de changements climatiques. L'étude des impacts du réchauffement climatique sur les Octocoralliaires méditerranéens doit rester une priorité afin de comprendre comment les récifs coralligènes seront affectées par les changements environnementaux, et d’aider à identifier des stratégies de conservation efficaces.
Publication :
Tignat-Perrier R., van de Water J.A.J.M., Allemand D., Ferrier-Pagès C. Holobiont responses of mesophotic precious red coral Corallium rubrum to thermal anomalies. Environmental Microbiome, 18, 70 (2023)
Pour plus de renseignements, veuillez contacter :
Dr Romie Tignat-Perrier
Dr Christine Ferrier-Pagès