Le corail, mémoire du climat

 Des échantillons de coraux de la campagne Tara Pacific organisée par la Fondation Tara Océan en partenariat avec le Centre Scientifique de Monaco et le CNRS ont fourni les premiers résultats d‘analyses en matière de paléoclimatologie. Ces analyses - financées en partie par la Société des Explorations de Monaco - ont été présentées à la conférence Goldschmidt 2020.  Cette conférence est l'une des plus importantes conférences internationales annuelles sur la géochimie et les sujets connexes. Elle est organisée par l'Association européenne de géochimie et la Société géochimique. Cette année elle devait se dérouler à Hawaï, mais a eu lieu en visioconférence à cause des restrictions liées au COVID-19.

Paléoclimatologie, ce que les coraux nous apprennent

L’expédition Tara-Pacific 2016-2018 initiée par la Fondation Tara Océan, coordonnée scientifiquement par le Centre Scientifique de Monaco et le CNRS a permis un vaste échantillonnage de coraux en traversant, d’Est en Ouest et du Sud au Nord, l’océan Pacifique. 40% des récifs coralliens de la planète y sont concentrés. S’en est suivie une longue période d’analyses des quelques 35 000 échantillons collectés.

Suite à la fin de la mission en mer, plusieurs chercheurs ayant participé à cette campagne publient et présentent une partie de leurs travaux.

C’est le cas de Marine Canesi, doctorante en géochimie au sein du Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE) du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), dirigée par le Dr Éric Douville dans l’équipe GEOTRAC (Géochronologie, Traceurs, Archéométrie). Le 23 juin dernier lors de la conférence Goldschmidt, la jeune chercheuse qui est co-encadrée par le Dr Stéphanie Reynaud du Centre Scientifique de Monaco, a présenté des outils permettant de reconstruire l’évolution de la température de la mer au fil du temps à partir de prélèvements de squelette de coraux.

La paléoclimatologie c’est quoi ?

La paléoclimatologie consiste à reconstituer les conditions climatiques de la surface de la planète dans le passé et à comprendre leur évolution. Plusieurs périodes glaciaires et interglaciaires ont ainsi pu être étudiées à partir, par exemple, de dépôts continentaux, de sédiments marins et de glaces polaires. Depuis les années 1950, le développement d’outils à haute performance a permis de mesurer avec une grande précision la composition chimique élémentaire et isotopique d’échantillons de différentes origines, dont les coraux tropicaux.

Vous avez dit carotte de corail ?

Les coraux bâtisseurs de récifs, les Scléractiniaires, fabriquent un squelette calcaire dans lequel se logent les colonies de polypes vivants. Au cours du temps, le squelette bâti par les polypes devient de plus en plus grand et très résistant chez certaines espèces telles que Porites ou Diploastrea sp. Leur croissance varie d’une espèce à l’autre, de quelques millimètres à quelques centimètres par an. Certaines colonies sont âgées de plusieurs millions d’années, permettant ainsi, d’obtenir des reconstructions climatiques très anciennes.

En prélevant des carottes de squelette sur toute la hauteur de la colonie, de la partie vivante, la plus récente, à la base du squelette, la plus ancienne (voir vidéo), il est possible, d’étudier les conditions environnementales dans lesquelles les coraux se sont développés depuis leur naissance.

Ces recherches sont basées sur l’analyse géochimique de squelettes coralliens sur toute la hauteur de la carotte. Les rapports de concentrations élémentaires Strontium/Calcium et Lithium/Magnésium sont des outils fiables (appelés « traceur » ou « proxy » en anglais) pour reconstruire les variations de la température de l’eau de mer. Plus récemment, l’approche dite « multi-proxy » a permis d’obtenir des reconstructions encore plus robustes.

40 coraux analysés : le corail, mémoire du climat

Dans l’étude présentée par la doctorante Marine Canesi, la composition élémentaire de 40 coraux tropicaux des genres Porites et Diploastrea, collectés lors de l'expédition Tara-Pacific (2016-2018), a été analysée au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement grâce à un co-financement de la Société des Explorations de Monaco, ce qui a permis d’établir de nouvelles calibrations de température.

Cette méthode a été appliquée à deux colonies de corail, Porites et Diploastrea sp., collectées dans l'archipel des Palaos, dans l'ouest de l'océan Pacifique. Les analyses ont permis dans un premier temps de tester et de valider les nouvelles calibrations issues de cette étude. Dans un deuxième temps, l’étude a porté sur la réponse géochimique des coraux de Palaos aux stress thermiques liés à l’oscillation australe El Niño (ENSO) survenue depuis la fin du XIXe siècle à Palaos.

L’enjeu de ces recherches

Au cours des derniers siècles, le réchauffement intense de l'océan a dégradé l’état de santé des coraux tropicaux, conduisant parfois jusqu’à leur mort. Les reconstructions paléoclimatiques de tels événements aident à développer des modèles de prédiction de plus en plus fiables pour mieux prédire l’impact des activités humaines sur les écosystèmes coralliens. Par conséquent, il est essentiel d'obtenir des reconstructions fiables sur plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’années de la température de surface de la mer.

 

 


 

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