La vitesse à laquelle ont lieu les changements climatiques pourrait dépasser la capacité des coraux constructeurs de récifs à s'adapter aux conditions futures selon le mécanisme classique des mutations génétiques qui nécessite des milliers d’années pour être efficace. Alors que les études les plus pessimistes prédisent une disparition des coraux avant la fin du siècle, certains coraux se montrent plus résistants que d’autres aux stress environnementaux et un espoir vient de l’étude de leurs génomes et plus particulièrement de l’épigénétique. Ce domaine de la génétique est l’étude de la modification de l’expression des gènes en fonction des conditions de l’environnement. Cette modification peut être transmise à la descendance mais n’implique par de mutations des gènes : elle pourrait donc être très rapide. Ce processus pourrait aider les coraux à s'acclimater aux impacts du changement climatique. C’est ce que tend à montrer un article réalisé publié dans Sciences Advances, un journal international de haut niveau du groupe Science, par l’équipe du Centre Scientifique de Monaco en collaboration avec le KAUST (Université des Sciences et Technologies du Roi Abdallah, Arabie Saoudite), l’Université d’Amsterdam et l’Australian National University à Canberra (Australie).
Les scientifiques ont placé des colonies de coraux pendant deux ans dans des aquariums d'eau de mer avec des niveaux de pH variable (acidité variable) mimant de façon plus ou moins sévère l’acidification des océans qui est une conséquence du changement climatique. Cette acidification a notamment un effet néfaste sur la calcification, c’est-à-dire le processus de formation des squelettes de carbonate de calcium à la base de l’édification des récifs coralliens. Les chercheurs ont émis l'hypothèse que des phénomènes épigénétiques (méthylation de l'ADN) pourraient permettre aux coraux d'atténuer ces effets en changeant leur mode de croissance. L'analyse des résultats a montré des modifications dans les voies de régulation du cycle cellulaire et au niveau de la taille corporelle des coraux soumis à un stress pH à long terme. Ces modifications entrainent une augmentation de la taille des cellules et des individus (appelés polypes), ce qui conduit à la formation de squelettes plus poreux qui maintiennent une croissance linéaire constante malgré une diminution des taux de calcification.
Ces résultats suggèrent qu’une composante épigénétique est impliquée dans l'acclimatation phénotypique de ces coraux, leur permettant, tout au moins partiellement, de faire face aux changements environnementaux. Ce mécanisme épigénétique pourrait être exploité dans le but de restaurer des récifs. Il s’agirait de cultiver des coraux en condition de stress telles que des températures élevées, de sélectionner ceux résistants par exemple à des températures élevées et de les introduire dans les récifs dégradés : c’est l'évolution assistée qui permet de renforcer la résilience des récifs coralliens. Mais avant cette étape, il faut que de nouvelles recherches soient menées afin de déterminer si cette empreinte épigénétique peut être transmise aux générations futures, ce qui montrerait pour la première fois une acclimatation transgénérationnelle.
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