Après un exceptionnel ensemble de 9 articles publiés en juillet dans les journaux du groupe Springer Nature, quatre nouveaux articles sont sortis durant l’été, clôturant ce premier lot de publications. Ces articles remettent en cause certains des acquis que nous pensions établis sur les récifs coralliens. Attardons-nous sur trois d’entre eux dont les conclusions sont proches. Cette première "news" (Voolstra et al) analyse la diversité génétique des populations de coraux échantillonnés… et permet de mettre en évidence des différences notables entre les espèces.
L'article de Voolstra et al analyse la diversité génétique des trois coraux échantillonnés et étudiés durant l’expédition Tara Pacific, les deux coraux Scléractiniaires Pocillopora meandrina, Porites lobata et l’Hydrozoaire Millepora platyphylla. L’hypothèse de départ, lors du choix de chacune de ces trois espèces, était qu’à une morphologie identique correspondrait une espèce. Si tel a été le cas pour Millepora platyphylla, la surprise a été au rendez-vous pour les deux autres espèces : chacune de ces espèces recouvrait en fait entre 3 et 5 espèces différentes. Pour réaliser cette étude, des études moléculaires approfondies (séquençage) en génétique des populations ont été déployées sur un total de 269 colonies prélevées sur 33 sites des 11 îles sélectionnés, une profondeur d’échantillonnage que seule l’expédition Tara Pacific a permis de réaliser. Ces résultats confirment un fait déjà connu : certaines espèces ont une grande plasticité morphologique. Ainsi, déterminer de façon précise un corail nécessite une caractérisation moléculaire robuste. Ces résultats suggèrent également que le nombre réel d’espèces de coraux est largement sous-évalué.
Ce travail a également mis en évidence que les trois genres sélectionnés ont des comportements génétiques très différents, ce qui a une importance primordiale pour la conservation de ces espèces : en particulier, la connectivité intraspécifique (c’est-à-dire les échanges potentiels entre les individus d’une même espèce) est beaucoup plus élevée chez Pocillopora que chez Porites, alors que paradoxalement le nombre d’espèces cachées (on parle de cryptiques) sous une même morphologie est plus élevé chez cette première espèce. Ainsi, malgré ce nombre plus élevé d’espèces chez Pocillopora, qui laisserait penser que des efforts de conservation plus importants devraient être mis en place, l’importante connectivité mise en évidence dans l’étude suggère que la protection de cette espèce pourrait être atteinte avec un effort relativement ciblé, alors que pour assurer la même protection de l’espèce Porites une plus grande zone géographique serait nécessaire pour conserver la diversité génétique de l’espèce et promouvoir sa résilience.
Un autre résultat surprenant est à relier avec la température : en effet, alors que l’ensemble des échantillons de coraux ont été prélevés dans des mêmes environnements (lumière, température, profondeur), leur histoire évolutive est très différente. La répartition des coraux du genre Porites semble en effet moins sensible à l’environnement que ceux du genre Pocillopora qui pourraient être plus spécialisés pour une niche environnementale donnée. Ainsi, les coraux généralistes du genre Porites pourraient perdurer à long terme tant que les perturbations ne dépassent pas leur capacité de résilience.
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Pr Denis Allemand
Dr Stéphanie Reynaud
Dr Didier Zoccola