Publication en Biologie Marine - Équipe Écophysiologie et Écologie

Encart introduisant l'article de Tignat-Perrier et al., 2022 dans la revue Applied and Environmental Microbiology, mars 2022, vol.88, n°6 Couverture de la revue Applied and Environmental Microbiology, mars 2022, vol.88, n°6. La légende de la photo, telle qu'elle a été publiée, dit ceci (traduction française) : Photo de couverture : Les récifs coralligènes méditerranéens comprennent de nombreuses espèces d'octocoraux qui sont à l'origine de la formation de forêts denses animales, fournissant des habitats essentiels pour d'autres espèces marines. Sur cette photo prise autour des îles Medes dans la région de la Costa Brava au nord-ouest de la Méditerranée, le plongeur illumine avec sa torche une grande colonie de l'espèce clé de gorgones Paramuricea clavata avec des polypes ouverts. La santé globale des gorgones repose sur les partenaires microbiens avec lesquels elles sont étroitement associées. (Photo de Stéphanie Reynaud, Centre Scientifique de Monaco.) (Copyright © 2022 Tignat-Perrier et al. CC-BY 4.0.) Colonies de gorgones dans les aquariums expérimentaux du Centre Scientifique de Monaco. © Romie Tignat-Perrier Représentation schématique de l'expérience de stress thermique réalisée sur les gorgones. © Romie Tignat-Perrier et al. Aspect morphologique des colonies de gorgones à la fin de l'expérience. Paramuricea clavata et Eunicella cavolini en condition Contrôle (A et C, respectivement) et Stress (B et D, respectivement), montrant une thermo-tolérance plus faible chez Paramuricea clavata (B – polypes fermés et observation de nécrose partielle). © Romie Tignat-Perrier
Les gorgones méditerranéennes face au réchauffement climatique 

Les récifs coralligènes méditerranéens comprennent de nombreux Octocoralliaires, comme les gorgones et le précieux corail rouge, qui sont à l’origine de la formation de forêts animales denses. Ces écosystèmes, qui regroupent également éponges, crustacés, bivalves ou encore poissons et escargots de mer, représentent des habitats d’une formidable biodiversité, qui rivalise avec celle des récifs coralliens tropicaux. Toutefois, les populations d’Octocoralliaires sont en déclin en raison de maladies microbiennes et d’événements de mortalité massive répétés associés à la pollution et au réchauffement global, ce qui impacte directement la faune marine qui en dépend. Sur les côtes marseillaises (Provence, France), des mortalités massives ont été rapportées au cours des épisodes de canicules océaniques de 1999, 2003, 2006 et 2009. Durant ces épisodes, qui surviennent en saison estivale, les Octocoralliaires sont soumis à des températures anormalement élevées (> 24 °C). En outre, ils peuvent simultanément subir des chocs thermiques très brusques lors des remontées subites d’eau froide profonde, typiques de la région provençale (température diminuant de 10 °C en quelques heures, pour ensuite ré-augmenter à sa valeur initiale). Cependant, aujourd’hui encore, les mécanismes biologiques sous-jacents conduisant à la maladie et à la mortalité des Octocoralliaires lors de ces épisodes de canicule restent méconnus.

Des microorganismes spécifiques, incluant notamment des espèces de bactéries et de champignons, sont en étroite association avec les Octocoralliaires. Ils forment une symbiose avec leur hôte corallien, et jouent un rôle dans leur nutrition et leur santé. Les changements importants de température observés lors des épisodes caniculaires pourraient affecter l’équilibre de la symbiose microorganismes-hôte corallien, perturbant alors l’état de santé de l’octocoralliaire.

Partant de cette hypothèse, notre présente étude s’est attachée à suivre l’évolution des microorganismes associés aux Octocoralliaires au cours d’un stress thermique, afin d’évaluer leur rôle dans la réponse corallienne aux changements de température (c’est-à-dire une tolérance ou au contraire une morbidité, voire une mortalité). Pour cela, deux espèces de gorgones clés de Méditerranée, Paramuricea clavata et Eunicella cavolini, ont été soumises à des conditions thermiques typiquement rencontrées lors des épisodes caniculaires en Provence. 

Les résultats montrent qu’E. cavolini est plus résistante aux températures élevées de l'eau de mer que P. clavata, cette dernière affichant une plus grande perte des réserves énergétiques, une capacité d'alimentation réduite et une mortalité accrue. Cette tolérance thermique plus faible pourrait être liée à sa capacité de défense antioxydante environ 20 fois plus faible par rapport à E. cavolini. Nous avons également observé des changements dans la population de symbiotes microbiens associés aux deux espèces gorgonaires, toutefois ceux-ci demeurent mineurs chez les gorgones ne présentant pas de mort tissulaire, et suggèrent donc que les microorganismes jouent probablement un rôle limité dans la résistance thermique des gorgones aux épisodes caniculaires.

L'étude des impacts de la pollution et du changement climatique sur les Octocoralliaires méditerranéens doit rester une priorité afin de comprendre comment les récifs coralligènes seront affectées par les changements environnementaux, et d’aider à identifier des stratégies de conservation efficaces. L’article récent publié dans « Applied and Environmental Microbiology » a été sélectionné par l’éditeur du journal comme article d’intérêt significatif, et a été mis en exergue dans la section « SpotLight » du journal. En outre, une photographie sous-marine d’un plongeur face à une imposante colonie de Paramuricea clavata prise par un plongeur professionnel de l’équipe d’Écophysiologie (Stéphanie Reynaud) a été choisie pour la couverture du numéro 6 volume 88 du journal de mars 2022.
 

Pour plus d'informations, veuillez contacter :

Dr. Romie Tignat-Perrier
Dr. Jeroen A.J.M. van de Water
Dr. Christine Ferrier-Pagès