Les chercheurs du CSM ont participé à la soirée de gala de l’association monégasque « Cordons de vie » à l’occasion du dixième anniversaire de l’association

L’équipe Monacord/Eurocord, représentée par Mme le Pr Eliane Gluckman, Présidente du conseil scientifique de l’association "Cordons de vie", et Mesdames les Drs Barbara Cappelli et Graziana Scigliuolo, ainsi que d'autres membres du Centre Scientifique de Monaco, ont participé, le jeudi 9 mars, à la soirée de gala organisée par l’association monégasque "Cordons de vie" et l’association Club Soroptimist de Monaco. 
L’association "Cordons de vie", présidée par Madame le Dr Fabienne Mourou, depuis 10 ans soutient des projets scientifiques liés principalement à des maladies du sang, héréditaires ou acquises (drépanocytose, leucémies, lymphomes, etc…). Pour l’avenir, cette association envisage de soutenir aussi des projets qui touchent des nouvelles perspectives dans les domaines de l’immunogénétique et de la psychiatrie (en particulier dans l’autisme).

À l'occasion  de cete soirée de gala, le Professeur Eliane Gluckman a prononcé le discours suivant :


"Monseigneur le Prince Albert II, Messieurs les Ministres et membres du gouvernement, Mme Fabienne Mourou, Présidente de Cordons de vie, Mme Yveline Garnier Présidente de Soroptimist Monaco, Mesdames, Messieurs. 
J'aimerais aborder un sujet passionnant qui a des implications majeures pour notre santé : l'immunogénétique. 
L'immunogénétique est la science qui étudie la façon dont les gènes de notre système immunitaire contribuent à notre capacité à lutter contre les maladies.
Depuis une dizaine d’années, je dirige le groupe Monacord au sein du CSM avec mes collaboratrices Mmes les Docteurs Barbara Cappelli et Graziana Scigliuolo. Nos thèmes de recherche sont axés autour de la greffe de cellules souches dans les maladies hématologiques de l’enfant, surtout ceux atteints de drépanocytose, maladie génétique de l'hémoglobine. Nous avons ainsi démontré l’importance de la recherche en Immunogénétique et ses applications dans la compréhension de nombreuses maladies comme les cancers, les infections ou les maladies du système immunitaire.
  • Que nous disent nos gènes ?
La loi dit que nous sommes tous libres et égaux en droit.
Est-ce vrai ? Le législateur a décidé, le philosophe s’interroge et le scientifique cherche à démontrer la pertinence de cette affirmation.
Les grecs pensaient que nos actions étaient prédestinées et gouvernées par les dieux.  Ou est notre part de libre arbitre ?
Lorsque l’enfant paraît, il a hérité pour moitié des gènes du père et des gènes de la mère. Cet héritage va déterminer un grand nombre de nos caractères physiques et psychologiques mais pas seulement puisqu’il va déterminer nos réactions face à l’environnement et aux maladies.
Au cours de la vie fœtale et après la naissance, des facteurs liés à l’environnement vont modifier l'expression des gènes permettant de distinguer des facteurs liés à l’immunité innée de l’immunité acquise. 
On sait que pendant la grossesse les cellules de la mère vont circuler chez le fœtus et certaines vont rester après la naissance. Ainsi l’enfant à la naissance a en lui des cellules de sa mère mais aussi des traces de tous ses ancêtres. 
Le caractère naïf et immature des cellules à la naissance a été utilisé dans la découverte de l’utilisation du sang du cordon ombilical prélevé à la naissance pour la transplantation. A la naissance, ces cellules naïves et à haute capacité de régénération ont un potentiel de réparation supérieur à celui des cellules adultes et permettent la croissance du nouveau-né et aussi le repeuplement d’une moelle osseuse ou défaillante avec une petite quantité d’un sang considéré autrefois comme un déchet en profitant de leur immaturité pour autoriser le succès des greffes de groupe HLA différent. Notre système immunitaire est notre première ligne de défense contre les infections et les maladies. Il est capable de détecter les agents pathogènes, tels que les bactéries et les virus, et de les éliminer avant qu'ils ne causent des dommages. Cependant, notre système immunitaire ne fonctionne pas de la même manière chez tout le monde. C'est là que l'immunogénétique entre en jeu. Les variations génétiques dans notre système immunitaire peuvent avoir des conséquences importantes sur notre santé. Par exemple, certaines personnes peuvent avoir des gènes qui les rendent plus vulnérables à certaines maladies, tandis que d'autres peuvent avoir des gènes qui leur confèrent une protection accrue.
  • Comment nos gènes évoluent ?
L’analyse des jumeaux permet d’avancer dans la compréhension des phénomènes dirigeant notre évolution. Les Jumeaux monozygotes naissent avec le même patrimoine génétique, leurs caractères physiques sont identiques mais, sont-ils vraiment identiques ?  La réponse est non, ils diffèrent déjà ne serait-ce que par leurs empreintes digitales! Ainsi certains jumeaux malgré leur identité génétique vont avoir des modifications de leur génome selon leur exposition à des facteurs infectieux ou environnementaux. 
L’histoire de Benjamin et Thomas en est un exemple. 
Benjamin est atteint d’une maladie héréditaire de la moelle osseuse, appelée maladie de Fanconi, cette maladie empêche les cellules de se réparer lors des altérations observées à chaque division. La reproduction des cellules s’épuise et aboutit à la destruction de la moelle osseuse entrainant une aplasie médullaire. Benjamin est malade mais son frère jumeau monozygote ne l’est pas : que s’est-il passé ?  Son sang et sa moelle sont normaux et ne montrent pas la maladie génétique de son frère mais si on regarde des cellules de sa peau on retrouve l’anomalie. Il y a donc eu réparation spontanée dans la moelle par réversion de l’anomalie réalisant une thérapie génique in vivo. Il ne pouvait donc pas servir de donneur de moelle, un autre donneur a été trouvé et la greffe fut un succès. Quelques années plus tard, un cancer de la bouche s’est développé dont il est décédé. Son frère a mené une vie normale jusqu’à l’âge de 40 ans où le même cancer que son frère s’est développé entrainant son décès montrant que la même atteinte génétique que son frère avait réparé sa moelle osseuse mais pas les autres tissus ce qui n’a pas empêché la cancérisation de survenir dans d’autres organes.
  • Que veulent dire ces observations ?
Nous naissons avec un capital génétique hérité de nos ancêtres mais de nombreuses modifications sont survenues au cours de l’évolution liées à l’environnement ou à la lutte contre les infections. Lorsque on étudie la génétique des populations, on voit que chaque individu est différent et, en étudiant le système de compatibilité HLA, on peut suivre l’évolution des populations de la haute préhistoire jusqu'à la période actuelle. Ainsi, on sait que les populations ont une grande diversité génétique mais, qu’au cours des migrations, elles ont acquis des gènes leur permettant de s’adapter à d’autres climats. Le prix Nobel de médecine 2022 a récompensé les auteurs d ‘un magnifique travail sur l’ADN ancien montrant la présence de gènes des hommes de Neandertal dans les populations européennes. Ces gènes anciens ont permis par exemple à des populations  comme les Tibétains à vivre en haute altitude. .
Ces études ont été possibles grâce au développement récent des études du génome.  Elles permettent d’observer les modifications du génome et d’identifier des gènes de susceptibilité aux maladies comme les cancers, les maladies héréditaires, les infections et les réponses inflammatoires. En comprenant comment nos gènes affectent notre système immunitaire, nous pouvons développer de nouveaux traitements et vaccins plus efficaces, identifier les personnes à risque de développer certaines maladies et prévenir les maladies avant qu'elles ne se manifestent. L’immunogénétique est une discipline toute récente qui va entrainer des applications dans la prévention et le traitement de nombreuses maladies." 

 

Pour plus de renseignements veuillez contacter :
Pr Eliane Gluckman
Dr Barbara Cappelli
Dr Graziana Scigliuolo