Les docteurs Milica Vucetic et Jacques Pouysségur de l'équipe d'Hypoxie tumorale du Centre Scientifique de Monaco ont invité deux scientifiques renommés de niveau international pour échanger avec les 2 équipes « Cancer » du Département de Biologie Médicale du CSM sur la bioénergétique cellulaire et les mécanismes d’oxydo-réduction et de ‘persulfidation’, en liaison avec le cancer, le vieillissement et la mort cellulaire par ferroptose.
Le Pr Jiri Neuzil de l’université Griffith (Australie) et de l’institut de Biotechnologie de Prague a pu établir que les mitochondries peuvent se déplacer entre cellules selon un processus appelé transfert mitochondrial horizontal pour corriger les défauts respiratoires des cellules réceptrices. Ce transfert se fait via une sorte de microtube cellule-cellule. Cette découverte partagée par d’autres scientifiques a été établie pour plusieurs modèles de cancer et pour des situations non cancéreuses comme la cicatrisation. De plus, Jiri Neuzil a pu montrer que la respiration essentielle à la croissance du cancer est impliquée en raison de son lien avec la synthèse de novo de la pyrimidine. Par ailleurs la synthèse de pyrimidine est nécessaire pour les cellules à prolifération rapide, comme les cellules cancéreuses ainsi que les cellules des tissus en régénération comme le foie après une hépatectomie partielle.
Le Dr Milos Filipovic, du Leibniz Institute for Analytical Sciences (Dortmund, Allemagne) rappelle que pour le maintien de la vie, la nature utilise en fait un nombre limité de réactions chimiques, dont l'une est la chimie à base de soufre, principalement exploitée pour le contrôle de l'homéostasie redox intracellulaire et de la signalisation redox. Le sulfure d'hydrogène (H2S) est l'une des molécules contenant du soufre parmi les plus simples trouvées dans les cellules. Depuis le premier rapport sur son rôle physiologique potentiel, il y a eu une littérature en plein essor sur le sujet de la signalisation H2S. L'un des principaux mécanismes par lesquels ce ‘gazo-transmetteur’ véhicule son message est la persulfuration des protéines, c'est-à-dire la transformation des thiols protéiques en persulfures (PSSH). Étant "à un soufre" des thiols, les persulfures ne sont pas faciles à surveiller. Cependant, Les développements récents des techniques de marquage au persulfure ont commencé à dévoiler le rôle de cette modification dans la (patho)physiologie. Les niveaux de PSSH sont importants pour la défense cellulaire contre les dommages oxydatifs, bien qu'ils diminuent avec le vieillissement, laissant les protéines vulnérables aux dommages oxydatifs. En utilisant le marquage développé dans son groupe et en le combinant avec la protéomique, la métabolomique et la biologie moléculaire, ils visent à obtenir des informations structurelles, fonctionnelles, quantitatives et spatio-temporelles à haute résolution sur la dynamique de la persulfuration. Une action complexe conduisant à identifier les cibles protéiques dont la persulfuration est impliquée dans le vieillissement et la progression de la maladie liée à l'âge.
Milica Vucetic, chargée de recherche au CSM, rappelle que l'année dernière a marqué les 10 ans depuis la contextualisation d'une nouvelle forme de mort cellulaire appelée ferroptose. Bien qu'encore à ses débuts, la recherche dans ce domaine souligne sans équivoque le rôle indispensable que joue ce type de mort cellulaire fer-dépendante dans de nombreuses pathologies différentes, du cancer aux maladies neurodégénératives. Notre laboratoire a passé les 7 dernières années à étudier la ferroptose dans le cadre du traitement du cancer et nous sommes enthousiastes quant à la mise en œuvre des stratégies ferroptotiques en milieu clinique. Milica a présenté nos résultats récents obtenus sur le modèle de type tumoral très agressif, le médulloblastome.
Jacques Pouysségur, Directeur de Recherche Emérite de Classe exceptionnelle CNRS, a présenté les acquis les plus récents sur la glycolyse fermentative, une voie métabolique primitive/anoxique issue de l'émergence de la vie sur notre planète. Cette voie présente chez les bactéries primitives a conservé l’empreinte de l’origine de la vie sans oxygène et s’est imposée, contrairement aux idées reçues, comme voie bioénergétique maîtresse et instrumentale pour la croissance rapide des cancers, la regénération des tissus, des cellules immunitaires, mais aussi le développement foudroyant des bactéries et virus pathogènes à croissance rapide. On a longtemps sous-estimé la production d’ATP par cette voie métabolique dont l’expression des enzymes glycolytiques représente le tiers des protéines totales chez la levure. La transformation du glucose en lactate sécrété est la clef de voute de cette voie énergétique. La pharmacologie des 2 transporteurs de Lactate MCT1 et MCT4 et son potentiel anticancer a été brièvement discutée.
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Dr Jacques Pouysségur
Dr Milica Vucetic