Qu’il s’agisse de la coquille d’œuf, du test d’oursin, de la carapace des crabes, de la coquille d’huître ou encore du squelette des coraux, tous ces biominéraux sont formés par un processus de calcification biologiquement contrôlé par l’animal. Si dans tous les cas ce processus requiert la fourniture en ions calcium et carbonate et la synthèse d’une matrice organique composée de protéines, lipides et sucres, néanmoins, au cours de l’évolution, la capacité à calcifier a été acquise de façon indépendante dans les différentes branches de l’arbre de la vie des animaux. Notamment, la composition de la matrice organique semble comporter une partie spécifique à chaque embranchement.
Au Centre Scientifique de Monaco, la compréhension des mécanismes gouvernant la calcification à travers l’étude de la formation du squelette des coraux est un des centres d’intérêt de l’équipe de Physiologie corallienne depuis plus de 30 ans. Les études portent sur des coraux qui ont divergé au cours de l’évolution : les coraux constructeurs de récif des mers tropicales et le corail rouge de Méditerranée, Corallium rubrum, notamment mis en valeur chez les joailliers.
L’équipe a récemment analysé la composition protéique de la matrice organique du corail rouge Corallium rubrum. Les résultats ont permis de montrer que sur la centaine de protéines identifiées, seule une dizaine sont communes à celles de la matrice organique des coraux tropicaux, preuve supplémentaire de la divergence corail rouge – corail tropical. Cette fraction protéique partagée, également retrouvée en partie chez d’autres organismes calcifiants comme les coquillages, représente probablement le cœur de la machinerie moléculaire nécessaire au processus de calcification. Par contre, l’identification de collagène qui sert de support principal à la formation de l’axe squelettique du corail rouge est une réminiscence de la composition de l’axe des gorgones, avec qui C . rubrum est « cousin ».
En conclusion, l’étude comparée de la composition de la matrice organique des squelettes des coraux suggère que l’axe squelettique du corail rouge résulte de la création d’outils moléculaires pour la calcification par la lignée des gorgones, il y a quelques 150 millions d’années, indépendamment des coraux tropicaux qui sont apparus il y a environ 250 millions d’années.