Le rapport Li/Mg : mises en garde et contraintes pour l’utilisation de ce nouveau « marqueur » de la température
Les squelettes de coraux, tout comme les carottes de glace et les troncs d’arbre, se forment lentement par couches successives, qui retracent plusieurs centaines d’années pour un même échantillon. Tous ont la propriété d’enregistrer, dans chaque couche, la température qui prévalait au moment de la formation de cette couche. Les changements de température de l’océan qui ont eu lieu depuis ces dernières décennies peuvent ainsi être reconstruits à partir de « signaux » enregistrés dans le squelette des coraux lors de leur croissance. Cependant, la plupart de ces signaux sont modifiés par la biologie même du corail, on appelle cela les « effets vitaux ». Ces effets perturbent donc les études paléoclimatiques en induisant des biais.
L’incorporation de lithium (Li) et de magnésium (Mg) et donc le rapport Li/Mg dans le squelette des coraux ne semble être que très partiellement influencé par ces effets vitaux, ce qui en fait de bons candidats pour les reconstructions de la température.
Afin de vérifier ce postulat, 64 coraux appartenant à 8 genres différents (10 espèces) ont été prélevés à travers le monde dans le cadre d'une collaboration internationale. Ces échantillons représentent à la fois des espèces tropicales et des espèces d’eaux froides, et couvrent donc une large plage de températures (allant de -1 à 29,5 °C) et de salinité (34,7 à 38,6). Les profondeurs auxquelles ont été prélevées ces coraux allaient de 3 à 670 m. Avant de réaliser les mesures de Li/Mg, il a fallu tout d’abord tester 5 protocoles différents de nettoyage des squelettes coralliens afin de retirer toute matière organique. En effet le rapport Li/Mg est fortement influencé par cette matière organique qui peut doubler la teneur en Mg naturellement présente dans le squelette, et conduire à une surestimation de la température de 15°C !!!
Le squelette des coraux est fait de carbonate de calcium sous forme d’aragonite. Il existe une autre forme de carbonate de calcium : la calcite. Certains coraux renfermaient aussi de la calcite. Or La présence de celle-ci dans l'aragonite affectait fortement le rapport Li/Mg, avec une sensibilité à la température d'environ 1,5°C pour 1% de calcite. Au final il était possible d’observer une dérive de la température de 35°C !!!
Une fois que toutes ces précautions ont été prises, la courbe de calibration entre le rapport Li/Mg et la température a pu être enrichie de plusieurs points dans les températures extrêmes, la rendant encore plus fiable.
Les résultats obtenus ont permis de construire une courbe de calibration fiable entre le rapport Li/Mg et la température (voir figure). Ainsi, en reconstruisant la température de l’eau de mer à partir des squelettes des coraux, on a obtenu une température calculée très proche de la température réelle mesurée. Les mesures de Li/Mg s’avèrent donc être un bon marqueur de la température de l’eau lorsque le squelette des coraux a été déposé. En utilisant cette relation, on peut donc connaître la température passée des océans et ainsi mieux comprendre les changements qu’ils ont subis.
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